Le temps est compté: interview avec un éco-saboteur (partie 2)

Ce que la décroissance n'ose soutenir...Ce que la décroissance n’ose soutenir…
Traduction d'une interview initialement publiée (en anglais) à l'adresse suivante, le 25 avril 2015.

Note: Au long de cette interview, deux expressions sont utilisées pour désigner deux facettes de l’activisme: l’aboveground (le côté officiel et autorisé de l’activisme) et l’underground (le côté non-autorisé, sabotage, clandestin).

En 1993 Michael Carter a été arrêté et condamné pour activisme écologique clandestin (underground). Depuis, il travaille dans le domaine autorisé (aboveground), luttant contre les ventes de bois d’oeuvre et les concessions pétrolières et gazières, protégeant les espèces menacées, et bien d’autres choses encore. Aujourd’hui, il est membre de Deep Green Resistance Colorado Plateau et l’auteur du récit Kingfisher’s Song : Memories Against Civilization. (Le Chant du Martin-Pêcheur : Souvenirs Contre la Civilisation)

Time Is Short [en français: Le temps est compté] s’est entretenu avec lui au sujet de ses actions, de sa résistance clandestine ainsi que des perspectives et des problèmes auxquels le mouvement écologique est confronté. En raison de sa longueur, l’interview est présentée en trois parties. Ici commence la partie 2 (pour la partie 1, c’est par ici) :

Time is Short (TIS) : Vos actions n’étaient pas liées à d’autres enjeux et ne s’inscrivaient pas dans une perspective plus large. A ton avis dans quelle mesure une analyse bien cadrée est-elle importante en matière de sabotage ou d’autres actions du même type ?

Michael Carter (MC) : Elle est d’une importance primordiale. La détermination des enjeux est un moyen parmi d’autres de venir à bout des divergences, comme c’est le cas pour le droit à l’avortement qui est assimilé soit à un meurtre soit à une solution de confort. Le problème de la faim dans le monde est, quant à lui, considéré comme une difficulté technique, à savoir comment procurer de la nourriture aux populations pauvres, et non comme la conséquence inévitable de l’agriculture et du capitalisme. Les consommateurs de médias aiment bien ce genre d’emballages bien ficelés.

Au début des années 90, les espaces naturels et la préservation de la biodiversité étaient définis comme des questions d’ordre esthétique ou comme un conflit d’intérêts particuliers au sein d’un groupe d’usagers ; entre des pêcheurs et des bûcherons, par exemple, ou entre des randonneurs et des utilisateurs de véhicules tout terrain. C’est comme ça qu’on justifiait les décisions politiques et les compromis, particulièrement sur le plan législatif. Ma plus grande campagne aboveground (officielle) de cette époque était contre un projet de loi relatif aux espaces naturels du Montana, à cause de la formulation de la « clause » qui autorisait le développement industriel de terres fédérales dépourvues de routes. Pourtant, la majeure partie du débat public a tourné autour  d’une comparaison simplifiée à outrance entre superficie protégée et superficie non protégée. La discussion est apparue raisonnable – modérée- parce que la question était banalisée dès le départ.

Ce genre de situation persiste encore à ce jour, où des compromis entre secteur industriel, gouvernement et écologistes corporatifs reposent sur un contexte politique plutôt que sur une réalité biologique ou physique – une zone que des industriels ou des amateurs d’engins motorisés accepteraient de protéger pourrait ne pas être viable pour une espèce menacée, même si la superficie délimitée paraît très raisonnable. Les activistes se sentent obligés d’argumenter dans un contexte centré sur l’être humain – considérant que le monde naturel nous appartient, que ce soit pour le divertissement ou pour l’industrie – ce qui nous met en position de faiblesse, autant sur le plan psychologique que sur le plan politique, particulièrement pour les combattants de l’ombre.

Lorsque j’étais l’un d’entre eux, je n’avais jamais l’impression d’œuvrer à partir d’une position sans équivoque. Est-ce que je prenais le risque de passer 10 ans en prison pour une piste de randonnée ? Non. Pourquoi prenais-je alors ce risque ? Je choisis de ne pas pousser trop avant la réflexion, seulement de continuer à livrer bataille. Ce fut ma deuxième pire erreur après les mesures de sécurité insuffisantes. Sans intentions claires et une solide appréhension de la situation, les actions peuvent manquer de coordination et devenir potentiellement dénuées de sens. Aucun mouvement aboveground (officiel) consciencieux ne les soutiendra. On peut s’empêtrer dans sa propre incertitude.

Si je devais envisager maintenant l’action underground (clandestine) – ce qui n’est pas le cas bien sûr, car on doit choisir soit le domaine autorisé soit la clandestinité et s’y tenir, encore une erreur que j’ai commise – je la considérerais comme une partie de la lutte contre une structure de pouvoir plus vaste, contre la civilisation dans sa globalité. Et il est important de bien comprendre qu’il ne faut pas confondre civilisation et humanité.

TIS : Tu as dit que la civilisation était un projet qui reposait sur l’agriculture. Peux-tu développer ?

MC : Rien de ce que fait la culture dominante, qu’il s’agisse de l’exploitation forestière et de la pêche industrielle, de la production d’électricité ou de l’extraction d’énergies fossiles, n’est aussi destructeur que l’agriculture. Rien de tout cela n’est possible sans agriculture. Les couches arables ne subsisteront pas plus d’une quarantaine d’années, tandis que l’agriculture est en train de les épuiser comme si elles devaient durer éternellement. Ces sols sont comme le sable dans le sablier de la civilisation, ainsi que les énergies fossiles et les minerais ; ils n’existent qu’en quantité limitée. En ce qui concerne les limites physiques, la civilisation brille par son incohérence et n’a même pas conscience de ses propres intérêts fondamentaux ; Elle tente seulement de garder secret le fait qu’elle va tout ravager, mais c’est un secret qui crève les yeux. Dans un monde aux ressources limitées, elle ne peut en aucune façon fonctionner encore bien longtemps et en ce moment, elle ne fait que grignoter les dernières frontières. Si la civilisation existe toujours dans 20 ans, le nombre de zones sauvages désignées importera peu ; la civilisation les aura ravagées avant.

TIS : En quoi cette analyse peut-elle être utile ? Le fait que la civilisation ne puisse jamais être soutenable n’ôte-t-il pas tout espoir de réussite ?

MC : Si nous voulons sérieusement protéger le vivant et promouvoir la justice, nous devons reconnaître que l’humanité civilisée ne prendra jamais les mesures nécessaires à l’avènement d’un style de vie soutenable, car son histoire n’est faite que de guerres et d’occupations. Voilà à quoi s’emploie la civilisation : livrer des guerres et occuper des territoires. On a l’impression que c’est intrinsèque au progrès, que c’est le propre de l’humanité mais ce n’est pas le cas. La civilisation donnera toujours la priorité au pouvoir et à la domination et ne permettra jamais que cette priorité soit remise en cause.

Par exemple, en matière de production alimentaire on pourrait assez facilement passer des céréales annuelles aux graminées vivaces, pour la production du lait, des œufs et de la viande. La ferme Polyface en Virginie a prouvé que c’est tout à fait réalisable ; sur une grande échelle cela apporterait un énorme bienfait, en permettant notamment la séquestration du carbone, la diminution des cas de diabète et d’obésité et de l’utilisation des pesticides et des fertilisants. Mais l’herbe ne peut pas être convertie en marchandise ; elle ne peut être ni stockée ni commercialisée et ne pourra donc jamais servir les besoins du capitalisme. Donc, ce débat n’aura jamais lieu sur CNN, parce qu’il est trop éloigné de la façon dont le problème est défini. Pratiquement personne ne discute de ce qui ne va pas vraiment. On ne se préoccupe que de savoir quel Etat capitaliste ou Etat-nation sera le premier à s’emparer des dernières ressources disponibles et comment la technologie pourrait gérer les crises qui en résulteront.

TOROGINAL

Un autre exemple est celui du projet de mine de cuivre à Oak Flat, près de Superior, dans l’Arizona. L’administration Eisenhower avait interdit l’exploitation minière sur le territoire en 1955, et en décembre 2014 le Sénat a annulé cette interdiction à l’aide d’une clause intitulée Loi d’Autorisation pour la Défense militaire, et Obama l’a signée. Le sénateur de l’Arizona John McCain a déclaré : « Pour maintenir la puissance de l’armée qui possède la technologie la plus avancée au monde, les forces armées des Etats-Unis ont besoin d’approvisionnements en cuivre pour leur équipement, les munitions et l’électronique ». Tu vois comment il justifie l’exploitation du cuivre à des fins militaires ? Il a mis un terme au débat avec une justification inattaquable, puisque aucun membre du gouvernement – et pratiquement personne parmi le grand public – ne remettra en question les besoins militaires.

TIS : Es-tu en train de sous-entendre qu’il n’y a pas la moindre possibilité de changement ?

MC : Ce que je veux dire c’est qu’il va falloir se battre. Les mutations sociales importantes sont généralement involontaires, et contraires aux idées populaires prônant « soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » et « le principe de majorité ». La plupart des Blancs du Sud ne voulaient pas que le Mouvement des droits civiques existe et encore moins qu’il réussisse. De toute façon, aux États-Unis, la démocratie est essentiellement une fiction théorique dans la mesure où c’est une toute petite élite politique et financière qui tire les ficelles.

Par exemple, dans l’État plus ou moins progressiste de l’Orégon, le lobby de l’agriculture a réussi à rejeter une mesure destinée à étiqueter des denrées alimentaires contenant des OGM. La majorité des participants au vote était d’accord pour ne pas savoir ce qu’il y avait dans leur nourriture, leur besoin le plus intime parce que ceux qui sont au pouvoir possèdent suffisamment d’argent pour les en convaincre. Cela ne sert pas à grand-chose de tenter de faire entendre raison à ceux qui tiennent les rênes de la civilisation, ou alors à ceux qu’elle a piégés, politiquement, financièrement ou peu importe comment. Tant que la classe dirigeante pourra extraire des richesses de la terre et de notre travail, elle le fera. Si elle possède les machines et l’énergie nécessaires au fonctionnement de son économie, elle se servira en dernier ressort de toutes les ruses politiques pour parvenir à ses fins. Elle ravagera des vies et la terre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à ravager. Lorsque le sol disparaîtra, c’en sera totalement fini de l’espèce humaine.

Quel est l’intérêt de composer avec un système politique qui n’a de toute évidence pas toute sa raison ? Une manière plus sensée de prendre en main la situation préoccupante de la planète serait d’asseoir les décisions tactiques sur une stratégie qui viserait à confisquer le pouvoir à ceux qui sont en train de la détruire. C’est le principe de base, c’est ce que nous devons entendre lorsque nous parlons de lutte radicale, à savoir une lutte qui s’attaque aux racines du mal.

Imagine un monde où il n’y aurait plus de nourriture, des températures en hausse, des épidémies, la sécheresse, la guerre. Il est en train de se dérouler sous nos yeux. C’est contre tout ça que nous nous battons. Ou plutôt nous nous battons pour un monde qui puisse vivre, un monde de forêts, de prairies et de rivières s’écoulant librement qui enrichiraient et stabiliseraient le sol et maintiendraient la diversité biologique et l’abondance. C’est l’amour que nous éprouvons pour le monde qui doit nous guider.

TIS : Tu suggères une lutte qui modifierait entièrement le comportement des humains, la fin de l’économie capitaliste, l’effondrement final de la société bâtie sur le modèle de l’Etat-nation. Tout cela paraît incroyablement difficile. Comment les résistants s’y prendraient-ils ?

MC : Nous pouvons commencer par construire un mouvement qui fonctionnerait comme une culture de substitution à la culture dans laquelle nous sommes englués. Puisque la culture civilisée ne donnera pas son aval à ceux qui tenteront de la démanteler, nous avons besoin d’autres systèmes de soutien matériel, psychologique et émotionnel.

Ce serait particulièrement important pour un mouvement clandestin. Dans l’idéal, il devrait appartenir à une communauté qui connaîtrait ses secrets et qui collaborerait avec lui, tout comme le font les militaires. Construire ce réseau en secret sera difficile, car si ses membres observent une sécurité rigoureuse, comment feront-ils ne serait-ce que pour trouver des personnes qui les approuvent ? Mais comme une ou deux personnes isolées ne peuvent pas faire grand-chose, il leur faudra trouver le moyen de le faire. Il s’agit là cependant d’un problème de logistique et il est important de le séparer des problèmes d’ordre personnel.

Lorsque j’accomplissais des actions illégales, je voulais que les gens me considèrent comme un défenseur de l’environnement pur et dur, ce qui était, étant données les circonstances, follement stupide et narcissique. Si on a des problèmes de ce genre – et beaucoup de gens en ont dans la culture étrange et néfaste qui est la nôtre – il faut recourir à la thérapie et à l’introspection pour les résoudre, et non à l’activisme. La solution la plus élégante serait que votre communauté secrète vous soutienne et vous reconnaisse, vous aide à trouver la force et la solidarité dont vous avez besoin pour effectuer des tâches rudes et nécessaires, mais d’autres alternatives sont quand même possibles.

TIS : Tu as été impliqué dans des opérations environnementales officielles dans les années qui ont suivi tes actions clandestines. Sur quoi as-tu travaillé et que fais-tu en ce moment ?

MC : Je me suis d’abord occupé de questions touchant à l’exploitation forestière – comme rédiger des recours contre la vente de bois et des choses du même acabit. Plus tard, j’ai aidé à la rédaction de pétitions pour protéger des espèces sous l’égide du Endangered Species Act (Loi sur la protection des espèces en danger). Par contre, cette tâche m’a épuisé et il m’a fallu beaucoup de temps avant de m’y replonger. Ceux qui travaillent dans le domaine autorisé ont eux aussi besoin du soutien d’une communauté – plus que jamais. Le livre de Derrick Jensen, Un Langage plus Ancien que les Mots (A Language Older Than Words) a clarifié la situation globale dans mon esprit et a répondu à nombre des questions que je me posais sur ce qui rendait les choses si difficiles à l’heure actuelle. Il m’a appris à prendre conscience de ce qu’à mesure que l’échéance de la culture civilisée se rapproche, les gens deviennent plus égocentriques, plus apathiques et plus cruels que jamais. Ceux qui sont encore capables de ressentir les choses doivent se serrer les coudes autant qu’ils le peuvent. Lorsque le mouvement Deep Green Resistance a vu le jour, il m’est apparu comme la solution parfaite et je me consacre depuis à contribuer à sa construction. Susan Hyatt et moi-même sommes en train de rédiger une série d’essais  sur la psychologie de la civilisation et sur la manière de cultiver la santé mentale nécessaire à la résistance. Je m’intéresse aussi à la propagande clandestine positive. Il est important d’avoir des histoires à raconter pour épauler ce que les gens font et pensent. Cela aide à cultiver la confiance et le courage dont les activistes ont besoin. C’est pour ça que les gouvernements publient de la propagande en temps de guerre ; parce que ça marche.

TIS : Donc tu penses que la propagande peut s’avérer utile ?

MC : Oui. Ce mot est doté d’une connotation négative pour de bonnes raisons, mais je ne pense pas qu’il soit nécessairement mauvais de vouloir influencer médiatiquement les pensées et les actes, tant que la démarche est honnête. L’Allemagne nazie a utilisé la propagande certes mais George Orwell et John Steinbeck l’ont fait aussi. Si on renverse la civilisation – c’est-à-dire si  les systèmes responsables de l’injustice sociale et de la destruction planétaire sont définitivement neutralisés – les gens qui choisiront d’agir contre pratiquement tout ce qu’on leur a inculqué devront fournir un effort soutenu pendant de longues années et ne pas hésiter à risquer leur liberté et leur vie pour susciter ce changement. Il nous faudra des cultures de résistances totalement inédites. Elles nécessiteront un grand nombre de fictions nouvelles pour nourrir la perception de la véritable identité des humains, du but de leur existence et de la manière dont ils sont reliés à d’autres espèces vivantes. A ma connaissance il y a peu d’écrits, de films ou d’autres formes d’expression qui entreprennent d’agir dans ce sens.

Edward Abbey a écrit quelques livres marrants et c’est tout ce qu’on avait entre les mains; alors on s’en est inspirés en espérant qu’on allait se marrer un peu et qu’on finirait par obtenir de bons résultats. On ne peut plus se payer le luxe de cette auto-complaisance. Je ne dis pas que l’humour n’a pas lieu d’être – bien au contraire – mais la situation de la planète et la situation sociale de la civilisation sont aujourdhui beaucoup plus dramatiques qu’elles ne l’étaient à l’époque de Abbey. Une propagande efficace devrait refléter cela – il faudrait qu’elle fasse un état des lieux de la conjoncture et qu’elle fournisse une solution, de façon à ce que les résistants potentiels puissent choisir le rôle qu’ils vont jouer.

Pas la couverture du prochain livre de Serge Latouche.

C’est important pour tout le monde, mais particulièrement important pour la clandestinité. Au moment de la Seconde Guerre Mondiale, les Alliés ont diffusé le roman de propagande de Steinbeck The Moon is Down (Lune Noire) à travers toute l’Europe occupée. C’était un livre court et simple qui racontait le combat d’une petite ville de Norvège contre les nazis. Le ton employé était si léger que  certains membres du gouvernement US ont accusé Steinbeck de sympathiser avec l’ennemi parce qu’il y dépeignait de façon réaliste les soldats allemands comme de simples personnes aux prises avec une situation épouvantable et non comme des monstres surhumains. Et pourtant les forces d’occupation abattaient sur place toute personne en possession de ce livre. Si on compare avec les livres de Abbey, on constate à quel point The Monkey Wrench Gang (Le Gang de la clef à molette) est largement en-deçà de la tâche requise.

TIS : As-tu des titres de propagande contemporaine à suggérer ?

MC : Les deux volumes du livre Endgame de Derrick Jensen sont les meilleurs qui me viennent à l’esprit ainsi que le livre Deep Green Resistance du même auteur. Il existe aussi des exemples de propagande négative qui valent le coup d’être mentionnés. Le livre A Friend of the Earth (Un ami de la Terre) de T.C Boyle. Les films « The East » et « Night Moves » parlent tous deux des activistes clandestins et ce sont des films horribles, du moins en tant que propagande pour une résistance efficace. Dans « The East » , une agence de renseignements privée infiltre une cellule dont les seuls objectifs sont les opérations théâtrales et la vengeance et « Night Moves » est encore pire ; il met en scène deux hommes crâneurs et une femme désemparée qui font sauter un barrage hydroélectrique. Le message est : « Ne vous attaquez pas à ce genre de trucs ou vous finirez par vous faire flinguer ». Mais ces films soulèvent quand même certains problèmes qu’on rencontre dans les groupes ayant d’orientation anarchiste : ils ont tendance à dénigrer les femmes et ils opèrent sans stratégie cohérente. Ils s’engagent pour l’identité, l’adrénaline, les perspectives de contact – qui sont toutes de mauvaises raisons de s’engager. Donc je suppose que ces films méritent qu’on s’y intéresse pour comprendre comment il ne faut pas se comporter. Il en va de même pour le documentaire « If a tree falls » qui raconte l’histoire du Front de Libération de la Terre.

Les mouvements prônant le changement social peuvent souffrir de problèmes d’immaturité et de nombrilisme autant que les individus. L’écologie radicale, comme tant de causes gauchistes, en est truffée. La plupart des militants de Eart First! que j’ai connus dans les années 90 étaient si fiers de leurs prouesses festives qu’on ne pouvait pas passer du temps avec eux sans les voir se défoncer et épiloguer sans fin sur leurs exploits tout au long de la journée du lendemain. Une des raisons pour lesquelles je me suis éloigné de ce mouvement était leur trop-plein d’arrogance et de subjectivité. Ils semblaient passer le plus clair de leur temps à reprocher à leurs camarades leur mode de vie corrompu parce qu’ils utilisaient du papier toilette ou conduisaient des vieilles camionnettes au lieu de se déplacer à vélo.

Cela peut mener à des affrontements culpabilisants ridicules. Il n’est pas étonnant que les écologistes aient si mauvaise réputation auprès du milieu ouvrier, quand ils se laissent aller à des pinaillages moralisateurs qui ne sont en réalité qu’un reflet de leurs avantages circonstanciels et de leur dispersion dans la défense efficace de la terre. Dites à une mère qui bosse de mettre son lave-vaisselle au rebut parce que vous avez entendu dire que c’était inefficace, et vous verrez où ça vous mènera. C’est l’une des pires choses qu’on puisse dire à quelqu’un, surtout parce que ça renforce le poids du sentiment de responsabilité collective en matière de destruction de l’environnement. C’est ce sentiment que nos dirigeants veulent que nous ayons. Des promoteurs construisent des terrains de golf dans le désert et nous croyons changer les choses en nous brossant les dents à sec. Qu’est-ce que ça peut bien te faire de savoir qui est plus écolo que tu ne l’es ? On est en train d’éviscérer le monde sous nos yeux.

Fin de la partie 2


Traduction: Héléna Delaunay

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