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Comment l’élection présidentielle est devenue celle de la théorie du complot

Au cours des derniers mois, Trump a fait flèche de tout bois pour alimenter la méfiance et le cynisme qui semblent jouer en sa faveur.

 11 Mai. 2016  par 

Photo: Ryan Kang/AP

Avide de changement, la population américaine est passée de la parole aux actes. La campagne présidentielle a ainsi concrétisé l’arrivée de deux candidats anti-establishment, Bernie Sanders et Donald Trump, sur le devant de la plus grande scène politique. Leur campagne, de même que leur popularité, se fonde en grande partie sur le sentiment de rejet de la classe politique, du monde financier, voire de la caste des médias. Un terrain propice aux adeptes des théories du complot — qui peuvent, par essence, être vraies ou fausses, puisque invérifiées ou invérifiables.

Sanders a notamment surfé sur le mépris à l’égard de Wall Street et des 1 % les plus riches pour induire l’idée que Wall Street avait truqué le système économique et corrompu Washington. «Pile, ils gagnent. Face, vous perdez», a-t-il affirmé pour résumer sa pensée.

Mais le discours conspirationniste de Trump a encore plus à voir avec la «rhétorique du complot» qui «empoisonne actuellement la politique américaine», croit Joseph E. Uscinski, professeur associé de sciences politiques à l’Université de Miami, et auteur d’un essai intitulé «How 2016 has become the “conspiracy theory” election» (Comment l’élection de 2016 est devenue celle de la théorie du complot).

«La rhétorique de Trump crée ce que certains sociologues décrivent comme un cercle vicieux de cynisme. La simple exposition à la rhétorique conspirationniste de Trump pourrait amener les gens à perdre confiance dans le gouvernement et les autres institutions au sens large. Cela pourrait à son tour conduire les gens à adopter d’autres théories du complot», a écrit Uscinski.Au cours des derniers mois, Trump a fait flèche de tout bois pour alimenter cette méfiance et ce cynisme qui semblent jouer en sa faveur: il a établi un lien entre les vaccins et l’autisme, il a fait allusion à une tentative de dissimulation de la part des autorités dans l’affaire de la tuerie de San Bernardino, il a suggéré que l’arrivée de réfugiés syriens était un cheval de Troie pour les terroristes, et il a même avancé que le père de son ancien rival Ted Cruz avait quelque chose à voir avec l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, tout en s’étonnant que les médias ne s’emparent pas de la nouvelle.

Et comme la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, un récent sondage mené par l’Université Fairleigh Dickinson a montré que les partisans de Trump étaient les plus portés sur les théories du complot. «Trump utilise le fait que, psychologiquement, lorsqu’ils doivent faire face à des événements pénibles, les humains recherchent des explications pour satisfaire leurs besoins profonds d’ordre, de sécurité et de pouvoir sur le monde qui les entoure. Chez ceux qui souscrivent à ses explications, Trump atténue la peur et l’anxiété liées au caractère incertain du monde extérieur — et, pour moi, cela explique en grande partie sa récente ascension», expliquait au Washington Post Kyle Saunders, professeur associé de sciences politiques à l’Université d’État du Colorado.

Ce même coup de sonde a mis en lumière la vague conspirationniste qui emporte une partie de l’électorat américain, puisque:

  • 15 % des sondés (dont 12 % de républicains et 18 % de démocrates) sont persuadés que George W. Bush était au courant des attaques perpétrées le 11 septembre 2011 avant qu’elles n’aient lieu;
  • 17 % des gens interpellés (dont 31 % de républicains) croient fermement que Barack Obama cache des informations sur son passé;
  • 14 % des répondants estiment qu’il est possible (et 8 % sont certains) que la tuerie de l’école primaire Sandy Hook ait été une manipulation destinée à renforcer le soutien en faveur du contrôle des armes à feu;
  • 18 % des personnes interrogées (dont 25 % de républicains et 13 % de démocrates) affirment que le réchauffement climatique est une invention des scientifiques;
  • 23 % des gens (dont 10 % de démocrates) sont convaincus que Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, savait que l’ambassade américaine de Benghazi allait être attaquée et qu’elle n’a rien fait pour la protéger.

Une réflexion sur “Comment l’élection présidentielle est devenue celle de la théorie du complot

  1. Il est dommage que 100% des interrogés ne pensent pas qu’ils sont manipulés…
    Très dommage.

    Mais bon, il va y avoir du sport. Il semblerait que les politiques – républicains et démocrates – commencent à se poser des questions sur le mode opératoire des élections US. Donc, il y a fort à parier qu’après les élections et le triomphe d’Hillary (ben ouais, après un président noir, quoi de mieux que de mettre une femme à la tête de l’Etat, même si « femme » n’est pas exactement le terme que j’emploierai), les députés US fassent un brainstorming pour qu’un futur Trump ne puisse pas mettre en l’air la belle mécanique politique US.

    En gros, on se dirige sur des élections du genre de celles qui ont lieu au Groland, où seul le président a le droit de voter…

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